On connaît La Psychologie des foules de Gustave Le Bon,
ouvrage célèbre et toujours réédité depuis 1895. Mais on connaît peu,
et même pas du tout, sa Psychologie politique, publiée, elle, en 1910.
Or, le lecteur notera, non sans surprise, que la plupart des analyses
politiques contenues dans ce livre, qu'elles lui apparaissent, au
premier contact, intempestives ou pertinentes, se révéleront, chapitre
après chapitre, singulièrement prophétiques. Tout se passe comme si
le débat sur le Socialisme ou le Syndicalisme ouvert par Le Bon il y a
un siècle était encore, pour le meilleur ou pour le pire, notre débat.
D'où une interrogation qui, de pages en pages, de perplexités en
enthousiasmes et de certitudes en doutes, ne saurait être esquivée :
d'où vient ce curieux sentiment d'une justesse des diagnostics quasi
visionnaires de Le Bon ?
C'est à cette question ou à cet étonnement que la «Relecture»
d'Alain Panero tente de faire face. Replaçant les idées de la
Psychologie politique dans le contexte anti-kantien et post-darwinien
de l'époque, il donne à voir les surprenants soubassements
ontologiques qui sous-tendent la vision politique de Le Bon, et qui,
contre toute attente, n'ont rien à envier aux perspectives ontophénoménologiques
les plus contemporaines. Redevenu sensible au
formidable potentiel post-métaphysique (anti-substantialiste, et même
anti-subjectiviste) d'une intuition lebonienne qui prend sa source dans
l'observation des foules, mais aussi sans doute dans les données de la
microphysique naissante, le lecteur ne s'étonnera plus dès lors de la
prégnance d'une pensée dont l'actualité s'explique par sa radicalité
même.