Il n’y a jamais eu autant de réseaux pour relier la population du monde entier, et pourtant le sentiment de solitude n’a jamais été aussi grand !
C’est le paradoxe de notre époque. Adhérer à un réseau fournit l’impression de bâtir une société idéale dans laquelle les notions de partage et de solidarité prennent tout leur sens. Or, ce monde idéal est la plupart du temps utopique.
La solidarité dans les réseaux ne repose pas sur une entraide désintéressée, mais sur la reconnaissance sociale : pour devenir populaire, en espérant la réciprocité dans le don, en souhaitant bénéficier de privilèges.
La pression au conformisme dans un réseau fait perdre également de la liberté. Avec l’essor des objets connectés, chaque individu tend à se conduire comme un “insecte social” au sein d’une colonie, o` la technologie guide les choix de vie par automatisme.
Dans ces conditions, les réseaux n’apportent pas nécessairement de réponse à la crise des institutions sur la question du vivre-ensemble. Ils ne sont pas plus démocratiques que l’État, ou plus vertueux que le marché !
Sur le plan politique, les réseaux ont plutôt tendance à recréer de la division dans la société, avec le risque communautariste.
Dans le domaine économique, la collaboration en réseau confie le pouvoir de négociation à la multitude, pour créer des richesses avec de nouveaux intermédiaires, dont la nature capitaliste n’a pas changé.
Dans les services publics, la connivence sociale sert souvent à défendre une rente statutaire éloignée de l’intérêt général.
Finalement, tisser du lien social à notre époque consiste à pratiquer l’entre soi dans un cercle d’amis, ou à se réfugier dans une bulle informatique pour cultiver l’estime de soi.
Ces pratiques ont leur utilité, mais il ne faut pas nécessairement les idéaliser.
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