«Mingo, tu sais lire, je le sais, simplement tu ne le montres
pas. Ce livre-ci. Il est aussi exempt de mièvrerie, d'enjolivures,
aussi peu rassurant - et, dans sa forme, tout aussi noble que
toi. Il existe sûrement des hommes-chats et des hommes-chiens.
Est-ce que tu aimes les chiens ? Moi non plus. Ils braillent toute
la journée, détruisent, par tout ce bruit inutile qu'ils font, les
plus beaux silences et, en fait d'indélicatesse, ils ne sont surpassés
que par leurs propriétaires (Protestation de la Ligue nationale
des amis des chiens - Coucher !). On ne peut pas t'attraper,
je sais. Mais n'es-tu pas tout entier enfermé dans cette
phrase ? «Le chat est un aristocrate anarchiste, avec le sain élan
vital d'un prolétaire.» Cela, c'est toi.
Bon, je me relève donc. Et me retrouve tout d'un coup assis
dans la grisaille argentée de Paris, et je pense à toi ; aussi à
ce matou angora gris-bleu, si petit au début qu'il n'avait même
pas encore de nom ; il pouvait juste s'approcher, tout chancelant,
quand on entrait dans la pièce ; et puis il n'a plus rien mangé
du tout, et il est mort, et maintenant il est enterré dans mon
jardin en retraite de Fontainebleau.
Salut, Mingo ! Salut à toi, et à tout ce qui est beau et énigmatique,
superflu et gracieusement cambré, insondable et solitaire,
et éternellement séparé de nous : aux chats, donc, et au
feu, et à l'eau, et aux femmes.
Avec une bonne caresse sur ton pelage.
Et bien des salutations aux Messieurs et Dames qui habitent
chez toi.»