Voici un livre qui nous donne un Rimbaud inédit et passionnant,
celui qu'il aurait voulu devenir, l'homme de sciences, l'ingénieur
célèbre, qui construit les labyrinthes des villes, qui reconstruit le
monde, selon l'ordre de ses calculs et de ses harmonies.
Avons-nous vraiment vu Rimbaud ? Avons-nous bien lu ses projets
d'ingénieur de la science, et de la poésie ? Avons-nous vraiment
compris le sens profond de son annonciation, "le temps d'un langage
universel viendra", qui est notre temps de simultanéité et de
désastres que nous voyons une seconde après leur
accomplissement ?
Nous n'avons peut-être pas vu Rimbaud. André Breton ne s'écrie-t-il
pas : "Tu ne connaîtras jamais bien Rimbaud" ? Des documents
et des pages dorment-ils encore dans les archives publiques et
privées, quelque part, dans leur merveilleux silence ?
L'ingénieur Rimbaud garde encore des secrets. Les gardera-t-il à
jamais ? Est-ce son véritable silence ? Nous devons toujours savoir
que sa "littérature nouvelle" "sera en avant". C'est dans cet espace
d'avant, en avant, que nous devons la chercher, pour en goûter les
bribes que nous sommes à peine capables d'entrevoir, entre terre et
ciel, vers l'éternité que Rimbaud a tant chantée.
Rimbaud sera toujours "le poète qu'on rencontre sur les routes
perdues et qui a été chassé du monde" (André Dhôtel). Il parle et il
parlera pour nous, et en nous. "Entendons-nous avec une suffisante
clarté, dans le Dit de [sa] poésie, ce qu'il a tu ? Et voyons-nous là déjà
l'horizon où il est arrivé ?" (Martin Heidegger).