Ce livre examine l'oeuvre de Robert Smithson, figure majeure de
l'art américain de la seconde moitié du XXe siècle.
Ann Reynolds se concentre ici sur une série de travaux et de
concepts essentiels qui lui permettent de restituer leur cohérence
à la production et à la pensée de Smithson. Elle entreprend cette
tâche en exploitant les archives de l'artiste léguées par sa veuve,
Nancy Holt, aux Archives of American Art. Ces archives lui offrent
un accès inédit au climat socio-culturel, aux sources d'inspiration
et à la pratique quotidienne de Smithson, à travers sa correspondance,
ses agendas, ses carnets de notes, et surtout sa bibliothèque.
Elle parvient ainsi à restituer son environnement créatif,
aussi bien matériel que conceptuel. Cette approche exigeante
est solidaire de l'une des thématiques centrales de l'étude de
Reynolds, ce qu'elle désigne comme les «taches aveugles» logées
au coeur de la vision conventionnelle de la culture. Smithson
s'est en effet continuellement attaqué à l'hégémonie culturelle
qu'incarnait à ses yeux le white cube new-yorkais, ce dont
témoigne sa fascination pour l'ailleurs et la périphérie, son investigation
de sites lointains et de territoires négligés. Pour autant,
comme le montre Reynolds, la remise en question des frontières
artistiques et des lieux culturels normatifs ne se résume pas chez
lui à un décentrement géographique ; elle commence par une
déstabilisation des fondements mêmes de la vision, faculté dont
l'esthétique moderniste avait su imposer la prééminence dans
les débats et les institutions artistiques.
Ainsi, bien plus qu'un essai monographique, cet ouvrage
offre tout à la fois une profonde réflexion sur le rôle des archives,
sur l'écriture de l'histoire de l'art contemporain, et sur les ébranlements
d'un paradigme esthétique qu'auront su impulser
Smithson et ses pairs.