Un des premiers livres que je me rappelle avoir lu avec ferveur
s'appelait Le Grand Cirque, c'était le récit des aventures d'un pilote
de la France Libre (dans le même genre héroïque, il y avait aussi
un livre anglais sur la bataille de l'Atlantique, La Mer cruelle). Ces
lectures originelles disent assez à quelle époque je suis né, sur
laquelle s'étendait encore l'ombre de la Seconde Guerre mondiale,
et quelle fut la pente martiale de mes premières rêveries. En fin de
compte, faute d'être pilote de chasse ou de commander une
corvette (plus tard, j'envisageai une carrière de révolutionnaire), je
devins écrivains, ce qui est, quoi qu'en aient dit certains, beaucoup
moins dangereux.
Et voici le résultat, ou au moins une partie : dans ce premier
volume, près de vingt ans d'écriture en tout genre. Si j'ai choisi
pour titre Circus, au-delà d'une allusion amusée à mes débuts de
lecteur, c'est parce que l'idée de cirque me convient assez. Il y a du
cercle dans le cirque, et le cercle (ou la spirale) est l'élément à
partir de quoi s'engendre ma géométrie littéraire. La Terre est
ronde comme une tente de cirque. Et baroque, aussi. Sous l'une
comme sur l'autre se produisent acrobates, magiciens, bêtes fauves
et dompteurs, clowns, hommes et femmes en maillot scintillant
volant entre les agrès : et l'écrivain qui prétend dire le monde (et y
échoue, naturellement, tel un jongleur laissant échapper ses balles)
aspire à tous ces rôles.
O. R.