Circus 2 s'achève sur un salut à Homère, par qui tout commence
dans les lettres de ce côté-ci du monde. Le cercle se ferme sur les
funérailles d'Hector dompteur de cavales, et cette circonstance
textuelle invite à une interrogation ironique : cette grande récapitulation
de Circus 1 et 2, est-ce une cérémonie funèbre ? Ce serait
mensonge de prétendre que la crainte ne m'en effleure pas. À vrai
dire, il me semble qu'il n'y a presque pas un moment de la vie d'un
écrivain (sauf lorsqu'il est emporté par le courant d'un livre : là, rien
ne l'atteint) où il n'affronte cette angoisse de son effacement. L'aveu
de cette faiblesse n'est pas une faiblesse. On travaille sans filet, avec
la peur du vide. Les fauves n'ont pas les dents limées, leurs griffes
ne sont pas coupées. C'est ce qui rend la chose excitante. On est
sans cesse menacé d'être envoyé au définitif pilon. Pas de quoi
pleurnicher. Il y a des vies plus dangereuses, tout de même.
Pas plus mort qu'avant, donc. Mais alors, prenant la pose ? Oh non.
Circus n'est pas non plus un monument, si c'était le cas il s'appellerait
autrement. Ce n'est pas la vanité qui le soutient, mais plus
banalement le souhait de dresser la carte d'un très long chemin
parcouru, souvent en zigzags et à l'aveuglette. Désir de se retrouver,
peut-être même de se rassurer, sentiment qui n'a rien de grandiose,
je le reconnais, mais qui (qu'on me croie ou non) témoignerait
plutôt d'une inquiétude que d'une infatuation.
Voilà, on démonte ici le chapiteau, mais la tournée continue, on
espère le remonter ailleurs, avec de nouveaux numéros.
O. R.