Ce livre invite à déconstruire la notion, chère à certains aujourd'hui, d'« identité nationale » en se retournant vers l'Antiquité romaine.
Pourquoi ce retour ? C'est que l'Antiquité sert souvent à conforter les penseurs contemporains qui s'y projettent, en leur donnant le sentiment que leurs idées ont toujours été là. L'anthropologie historique vise, à l'inverse, à bousculer ce confort intellectuel en recourant au fameux « regard éloigné ».
Pourquoi, ensuite, Rome et non Athènes ? Cette dernière était une cité refermée sur elle-même. L'Athénien était citoyen de père - et de mère - en fils ; le peuple d'Athènes n'accordait que rarement la citoyenneté à des étrangers.
Rome adopta pour sa part une politique contraire. Elle accorda libéralement, dès ses débuts, le statut de citoyen aux ennemis vaincus et aux affranchis qui, intégrés, lui fournirent des armées innombrables et une élite sans cesse renouvelée. C'est en se fondant sur ce fait que l'on s'interroge ici sur la conception de la citoyenneté et de l'identité à l'oeuvre derrière la société ouverte (multiculturelle ou métissée ?) qui était celle de « nos ancêtres les Romains ». Et l'un des premiers résultats, pour le moins surprenant, de cette enquête est de constater que la citoyenneté romaine était non seulement un statut juridique sans contenu racial, ethnique ou culturel mais encore qu'elle reposait sur l'origo, notion juridique complexe qui impliquait que tout citoyen romain, d'une façon ou d'une autre, venait d'ailleurs.
« Tous des étrangers », tel serait en somme l'un des motifs centraux de l'Énéide, poème de l'origo célébrant Énée, « père » des Romains en même temps que figure de l'altérité : héros venu d'ailleurs qui n'aura pas « fondé » Rome.