Ruptures-Cultures
Il faut imaginer Robinson sur son île, au moment où il va être menacé de découvrir les lettres et les arts : quelle ressource, observait déjà Rousseau, que cette figure, que cette figure, que cette « folie » pour une culture qui ne l'aura inventée que pour nous persuader plus sûrement de sa nécessité ? Mais tout un qui écrit, qui peint, qui fait oeuvre, n'est-il pas une manière de Robinson, un être séparé ou - comme disait Bataille - un « nécessiteux » ? Et que dire de celui qui prétend s'exclure du jeu, refuser l'héritage, rompre les amarres ? Et que dire, à l'inverse, de celui qui, soustrait par force à la société de ses semblables, s'emploie à battre la culture sur son propre terrain, à la débusquer de ses retraites les plus secrètes, à la vaincre par excès ? De Dubuffet à Sade, en passant par quelques-unes des figures, mythiques, économiques, politiques, créatrices, de l'appropriation, de l'inquisition, du refus, c'est la culture elle-même qui se trouve renvoyée à son propre fond et sommée d'avouer - quand s'inversent les signes du luxe et de la nécessité - la puissance de rupture qui l'habite et qui fait son ressort.