Werner Hofmann est un passeur. « Il est de ceux qui font tomber des barrières d'un pays à l'autre, tout en soulignant les singularités de chacun, de ceux qui font mieux comprendre, donc aimer, l'oeuvre d'art », écrit Michel Laclotte dans sa préface, à travers laquelle il évoque la mémorable exposition sur La peinture allemande à l'époque du romantisme qu'il avait organisée en 1976 avec son ami viennois à l'Orangerie. Passeur entre les écoles et les nations, Werner Hofmann l'est aussi à l'intérieur de la topographie de l'histoire de l'art. Il a fait éclater les frontières entre les « beaux-arts » et la caricature, entre peinture et sculpture, et a mis en valeur la multimatérialité comme critère essentiel de l'art de notre époque. Sensible à l'itinérance des formes et à leur changement de signification suivant les contextes, son regard ne pouvait pas ignorer les analogies frappantes entre l'« hétéroclitisme » actuel et le Moyen Age. Ces réflexions l'ont conduit à revoir la lecture de l'art occidental selon des césures conventionnelles par siècle. A travers ses écrits, il propose d'établir une continuité autour de la notion de polyfocalité déterminant les pratiques artistiques avant et après l'époque de la Renaissance, celle-ci se caractérisant par la monofocalité. Viennois, exilé volontairement à Hambourg où il dirigea la Kunsthalle de 1970 jusqu'en 1990, Werner Hofmann est attaché à ses origines. Vienne est le lieu de l'« émancipation des dissonances » sur la polyfocalité lui ont valu le prix Warburg de la Ville de Hambourg en 2008.