Le jugement de Moshe Lewin est sans appel : le régime issu de la révolution d'Octobre est « un système barbare construit sur les ruines d'un grand idéal émancipateur ».
La Révolution russe n'a pas ouvert une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanité, mais frayé le passage complexe, mouvementé et violent d'une Russie précapitaliste à une Russie capitaliste.
Moshe Lewin souligne les discontinuités et les continuités entre la Russie d'avant la révolution et l'URSS. Il insiste notamment sur le chauvinisme grand-russe comme composante essentielle de l'idéologie du régime. Dénoncé au début des années 1920 par Lénine comme l'un de ses pires représentants, Staline célébrera, aux lendemains de 1945, la « grande et sainte Russie ». Dans les années 1960, quand le régime entame son déclin, le nationalisme grand-russe pénètre toutes les instances de l'État et du parti. Moshe Lewin déconstruit également l'assimilation de l'URSS au « communisme », paradoxalement partagée par les adversaires du communisme et par les nostalgiques du système.
Alors que certains, au prétexte que l'histoire aurait mal tourné, souhaitent déchirer la page, il fournit un éclairage sur ce « continent disparu » et restitue à l'URSS sa véritable place dans la réflexion sur la révolution et le socialisme.