Dans ce monde paradoxal où maîtres et sujets, vertus et vices, ont inversé leurs rôles, le Mal s'est glissé à l'intérieur du Bien, il en a revêtu l'apparence. Ce monde de l'incertitude est le royaume de l'Hypocrisie. La vérité est persécutée dans la personne des justes ; l'injustice, institutionnalisée, est cautionnée par le roi et le pape ; le mensonge est devenu parole d'Evangile. C'est le temps des fausses promesses : les frères parlent de paix et font la guerre ; les riches promettent de l'argent qu'ils ne donnent jamais ; les chevaliers s'enivrent et se targuent de prouesses qu'ils n'accompliront pas ; l'ivresse fait rêver les pauvres. La haine prend le masque de l'amitié ou de l'amour pour achever son oeuvre de destruction ; les traîtres sont dans la place, trompant le pauvre peuple, trahissant Dieu. Le poète, par l'invective, l'ironie ou la déploration, tente d'arracher son masque à Hypocrisie, qui s'est emparée du monde. Le blanc cache le noir, la séduction masque la pourriture, l'habit dissimule la bête - loup, renard, hérisson - dont le retour menace toujours l'homme. Des bêtes cruelles, dangereuses, trompeuses, tapies sous l'apparence humaine, nous guettent et nous cernent.