« Les sentiments vastes n'ont pas de nom. Pertes, éblouissements, catastrophes de l'esprit, cauchemars de la chair, les sentiments vastes n'ont pas de bouche, fond lugubre, égarement muet, obscures énigmes habitées de vie mais sans résonance, ainsi moi en cet instant devant ton corps mort. Inventer les mots, les briser, les recomposer, m'ajuster dignement devant tant de blessure, cela aurait été nécessaire, Lucas mon amour, mes trente-cinq ans de vie collés à un indescriptible bourreau, quelqu'un d'Humain, et il y a tant d'indescriptibles Humains faits de fureur et de désespoir, qui n'existent que pour nous faire connaître le nom de la bassesse et de l'agonie. Mais indigne et désespéré je me jette sur cette glace qui recouvre ton visage, et plusieurs mains, d'amis ? de ma fille adolescente ? de mon père ? ou, qui sait, les mains de tes jeunes amis tirent sur ma chemise immonde pour me repousser en arrière et je colle ma bouche en direction de ta bouche et un filet d'écume voile cette scintillance qui a été ton visage. »