Revue d'histoire de la Shoah
La rapidité avec laquelle la communauté internationale a reconnu le génocide des Tutsi du Rwanda - sans rien tenter pour l'empêcher - n'a eu d'égale que la vitesse d'exécution de celui-ci. Les massacres d'avril à juillet 1994 ont causé, selon l'ONU, la mort de 500 000 à 800 000 personnes. Les autorités rwandaises, qui n'ont pas fini de procéder au recensement des victimes, en estiment le nombre à plus d'un million, ce qui ne semble guère exagéré. Cette entreprise d'extermination n'a pas été déclenchée de façon subite et irraisonnée sous la pression de circonstances politiques imprévues. Elle a au contraire été minutieusement préparée par une faction extrémiste au sein de l'appareil d'un État fortement centralisé. Avec des forces paramilitaires préparées à cet effet, son administration, et le soutien massif d'une population conditionnée depuis des mois à tuer.
Peu de commentateurs ont perçu à l'époque la gravité d'événements dans lesquels ils ont préféré voir un nouveau cycle de « massacres interethniques », voire un « double génocide » en renvoyant dos à dos bourreaux et victimes.
Quinze ans après, il s'agit de nommer les pratiques criminelles du printemps 1994 et d'affronter l'angoisse qui nous saisit chaque fois que l'on se penche sur cet abîme. En évitant de plaquer des schémas anciens sur des réalités nouvelles, car tout en effet, dans le génocide des Tutsi du Rwanda, semble s'inscrire hors des schémas connus et, sans doute, au-delà.