L'homme des droits de l'homme eut une belle vie,
pleine de bruit et de fureur, mais aujourd'hui, il n'est
plus. En lieu et place a surgi un nouvel homme, égoïste,
hédoniste, à la recherche de son seul plaisir ; sa
préoccupation première, essentielle, c'est l'amour de
soi, l'émerveillement de soi, la satisfaction de soi, et
l'État est sommé d'y satisfaire. Car l'État n'est plus ce
tyran féroce, avide de pouvoir, ce despote aux aguets
qui attend l'occasion pour soumettre ces sujets ; il ne
fait plus vraiment peur ; il a été assagi, apprivoisé et
sa fonction est de gérer un nouveau pacte social : non
plus de faire respecter la liberté de tous mais celle
de chacun ; non plus d'établir l'égalité pour tous mais
pour chacun ; non plus de protéger un «moi commun»,
une nation, une collectivité, mais un moi individuel ;
les hommes ne se sont pas réunis pour leur sécurité
et leur conservation, mais pour mieux jouir les uns des
autres.