Ou écrire sur l'Indicible, le Tout Autre, l'Inconnaissable ? Il plonge alors et nous entraîne dans le mystère d'Amour qu'est Dieu... intarissable jaillissement et éblouissant rayonnement ! Et de traduire la certitude qui l'habite de la présence de Dieu au coeur de lui-même comme en chacun de nous, Dieu attendant notre disponibilité et notre attention !
Et enfin, un troisième titre, dont le sac de Rome par Alaric fut l'occasion plus que la cause, le sujet taraudant Augustin depuis déjà longtemps. En filigrane, on peut y voir une profonde réflexion « politique », au sens fort du mot, sur la parabole évangélique de l'ivraie et du bon grain. La Cité de Dieu, la meilleure présentation - résumé de l'ensemble et surtout manifeste de son esprit - se trouve en conclusion du livre 14 de ce long ouvrage qui en compte 22 : « Deux amours ont bâti deux cités : celle de la terre par l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu ; celle du ciel par l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi. L'une se glorifie en elle-même, l'autre dans le Seigneur ! », et de déployer ce qui lui semble le sens même de l'histoire des hommes, et qui en est une splendide théologie.
Augustin : la hantise de l'unité
Quand le grammairien de Thagaste, le rhéteur de Carthage et Rome, l'orateur de Milan découvre en profondeur spirituelle Jésus-Christ dont le nom a bercé l'enfance, la chrétienté est divisée. Deux ou trois hérésies notoires ont contribué à la constitution des groupuscules autonomes détachés de la « Grande Église », ainsi que l'on appelait les « fidèles à Rome ».
Quand Augustin devint prêtre et bientôt évêque, l'Afrique du Nord (de la Tunisie au Maroc actuels) comptait environ 300 évêchés (grosses agglomérations et villages voisins) et, pour les animer, plus de 600 évêques, pour moitié « donatistes ». Ceux-là refusaient le pardon aux évêques qui avaient flanché durant les ultimes persécutions et dès lors considérés comme illégitimes, ainsi que les prêtres qu'ils avaient ordonnés et tout chrétien qui se fiait à eux ! À la mort d'Augustin, ce schisme avait pratiquement disparu, grâce à ses patientes interventions et à sa pédagogie. Un concile local, en 411, fit se rallier la quasi-totalité de l'épiscopat donatiste.
Hippone, 28 août 430
Depuis trois mois, la ville est assiégée par les Vandales, « barbares » christianisés venus d'Europe centrale. Ils ont traversé les Gaules et l'Hispanie, puis les Mauritanies tangitane et césarienne (Maroc et Algérie). Les proches d'Augustin ont tenté de le convaincre de partir. Il leur a résisté... par amour. N'avait-il pas écrit : « Aime et fais ce que tu veux. Si tu te tais, tais-toi par amour. Si tu parles, parle par amour. Si tu pardonnes, pardonne par amour. Aie au fond de ton coeur la racine de l'amour. De cette racine il ne peut sortir que du bien » ?
Depuis longtemps, une faiblesse pulmonaire lui cause des ennuis. Augustin en parle peu. Une nouvelle crise le touche à 76 ans. Il s'enferme, au lit, dans sa cellule, se fait écrire en grosses lettres quelques versets de psaumes sur les murs tout autour de lui. Le 28 août 430, après dix jours de solitude, il quitte sereinement ce monde, rejoignant la Cité de Dieu... dont il sait bien qu'il est tout Amour !
« Si tu n'es pas encore capable de mourir pour ton frère, sois déjà capable de lui donner de tes biens. En chantant Alléluia, donne du pain à qui a faim, habille celui qui n'a pas de vêtements, reçois celui qui n'a pas de maison. Ce n'est donc pas seulement ta voix qui chante, mais ta main chante aussi parce que tu fais ce que tu dis. De même, tes doigts sont d'accord avec ce que ta bouche proclame »
(Com. du Psaume 149).