"Que vous êtes bonnes mes chères nièces de ne pas
m'oublier ; vos précieuses lettres me soutiennent et me
consolent dans les dernières angoisses de ma vie.
Ma pauvre femme a la fièvre presque toutes les
nuits ; le médecin prétend que c'est un préservatif
contre le choléra qui règne maintenant à Pétersbourg
et aux environs. Elle est toute troublée par les
nouvelles qu'elle reçoit de nos terres où le fléau nous
enlève nos paysans. Dans les lettres d'hier nous en
avions déjà perdu près de cent.
Il y a par-ci par-là de petites émeutes pour cette
folle opinion que l'on veut empoisonner le peuple. Les
médecins courent quelque danger, trois individus ont
été assommés sans autre motif que l'on a cru qu'ils
étaient médecins. L'empereur s'est transporté là et a
fait à cette foule une allocution telle qu'elle s'est mise à
genoux. Un prêtre leur a conseillé de se confesser de
leurs péchés qui étaient la vraie cause du choléra.
Aussitôt dit aussitôt fait, ils ont entendu le prêtre dans
l'église voisine. Le saint apôtre était fort embarrassé,
car tous ces pénitents voulaient être absous les
premiers. Pourquoi Lamartine et Ledru-Rollin n'ont-ils
pas songé à cet expédient..."
(Lettre du 13 juillet 1848)