Professeur d'université à Coimbra, António de Oliveira Salazar (1889-1970) est nommé ministre des Finances en 1928 avant d'être adoubé par les militaires alors au pouvoir comme président du Conseil en 1932. Qui peut alors se douter que ce quasi-inconnu est en train de mettre en place une dictature intraitable sous des dehors policés, l'Estado Novo, laquelle, soutenue par l'Église, l'armée et le patronat, va durer quarante ans ?
Dictateur méconnu et singulier - ni chef militaire, ni leader charismatique, mais universitaire mal à l'aise en public -, Salazar s'est montré maître dans l'art de durer, à la fois implacable et ductile, notamment sur la scène internationale pendant la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre froide. « Marié à la nation », « moine-dictateur », misanthrope de surcroît, il a pratiqué sans relâche l'une de ses formules favorites, « faire vivre habituellement les Portugais », au succès indéniable, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Un faire-vivre naviguant entre catholicisme social, tropisme fasciste et exaltation de la nation, appuyé par une police politique toute-puissante. Un faire-vivre, également, inspirant la peur et le respect, plutôt que l'admiration et l'adhésion, mais sans croisade ni guerre civile, à la différence de Franco, ce qui explique sans doute sa longévité. Salazar ne se retira en effet qu'en septembre 1968, pour raisons de santé, avant de mourir deux ans plus tard. Son régime lui survit jusqu'à la révolution des OEillets, en avril 1974.
Une biographie passionnante, nourrie aux meilleures sources, qui aide à percer à jour l'un des dictateurs les plus énigmatiques du XXe siècle.