Entre 1870 et 1914, plus de trois cents expositions des Beaux-Arts ont
eu lieu dans le nord de la France réunissant près de 5 900 exposants.
Le régime républicain perçoit d'emblée dans ces manifestations le
moyen idéal de mener à bien sa politique de consolidation de l'unité
nationale et d'adhésion à un imaginaire commun. Il s'approprie le
phénomène et en fait l'une des pierres angulaires de sa stratégie de
décentralisation. Les salons septentrionaux esquissent les contours
d'une de ces petites patries artistiques chères à la Troisième
République et contribuent à donner corps au concept d'art français.
La multiplication des expositions provinciales accompagne la
démocratisation de l'art et coïncide avec les nouvelles conditions
du marché. Elle participe aussi à l'invention de la figure de
l'artiste moderne et à la consécration d'un médiateur désormais
incontournable, le critique. Les salons de province structurent
un réseau de commercialisation des oeuvres d'art qui s'étend à
l'ensemble du territoire français et pallie l'engorgement des systèmes
traditionnels de diffusion. Les Salons parisiens ne peuvent à eux
seuls contenir une production sans cesse croissante et satisfaire
une demande grandissante provoquée par l'afflux d'une nouvelle
clientèle.
Les salons de province dessinent une nouvelle géographie des Beaux-Arts
en France au XIXe siècle.