Sangsues
« Il est écrit dans le Talmud : si tu ne sais pas où tu vas, alors tout chemin t'y mènera, a-t-il dit. Et que se passera-t-il, ai-je demandé, si l'on sait où l'on va ? Alors le chemin n'a pas d'importance, a dit Iâcha en mettant fin à notre conversation. »
Le narrateur de Sangsues se pose des questions depuis qu'il a vu un homme gifler une jeune femme, sur les rives du Danube, sans raison apparente. Intrigué par la situation, il suit la jeune femme, puis cherche des indices pouvant expliquer ce geste. Il travaille comme journaliste dans un quotidien de Belgrade, et quand il trouve des signes géométriques sur le lieu même de l'incident, son investigation s'oriente petit à petit vers un réseau antisémite. Lui n'est pas juif mais, afin d'avancer dans la compréhension des énigmes qui se présentent à lui les unes après les autres, il consulte d'abord un ancien condisciple, mathématicien de génie, puis se met à fréquenter un cercle de cabalistes qui a pour projet de fabriquer un golem... Sa recherche prendra de plus en plus les allures d'une enquête policière sur les traces d'un complot à tiroirs : tout n'est que faux-semblants, pièges indéchiffrables, doutes et incertitudes. L'écriture d'Albahari, toujours teintée d'une pointe d'ironie, entraîne le lecteur dans une quête labyrinthique presque ludique, à la manière d'un thriller. Derrière les apparences, l'auteur, en évoquant la Serbie sous Milochévitch, nous interroge sur la place de la peur dans nos sociétés et son instrumentalisation politique.
Sangsues est considéré par les connaisseurs de l'oeuvre de David Albahari comme son roman le plus abouti et le plus puissant.