Sanguinaires
Les Sanguinaires ont donné leur nom trompeur à la route qui longe le littoral corse entre Ajaccio et la presqu'île de la Parata. Je l'ai longuement parcouru, poussant même jusqu'à Capo di Feno. Il n'y coule pas de sang, aucune guerre n'y a entraîné de ravages. On ne traverse aucun paysage en ruine ou dévasté. Au coeur de la Méditerranée souvent à feu et à sang, la Corse semble faire exception. J'y ai poursuivi le travail que je mène depuis des années autour de ce bassin méditerranéen où tout aurait commencé. Les Sanguinaires m'ont permis de renouer avec la fragilité d'un chardon, le miracle d'un coquillage, la tranquillité d'une crique, l'été, à la nuit tombante. Si, parfois, les images glissent insensiblement vers l'hallucination, c'est que
j'ai essayé de tisser un lien avec les éléments, la mer, les nuages, les saisons, de me poser un moment devant ces paysages, modelés par la paix et une éclaircie soudaine, comme par un besoin d'enchantement.
Didier Ben Loulou vit entre Paris et Jérusalem. Depuis plus de trente-cinq ans, il arpente la Méditerranée, de Jaffa à Marseille en passant par Athènes, Tanger, Palerme, les Cyclades... L'histoire et les signes qui la traversent sont au coeur de sa démarche. Avec Sanguinaires, le photographe part à la recherche du peu, de la simplicité et du minimal, nouvelle étape de son cheminement. À La Table Ronde ont paru Mémoire des Lettres (2012), Athènes (2014), Israel Eighties (2016) et Sud (2018).