Qui tient bon ? J'ai tellement lu et relu ces pages - Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission, Lettres et notes de captivité -, je les ai tellement recopiées, annotées, collées au mur certains jours comme des sortes d'icônes, paroles dont j'espérais qu'elles puissent être un recours aux jours d'effondrement, je les ai si souvent invoquées comme pour vouloir en faire apprentissage - et la question de savoir, justement, comment soi-même on pourrait tenir bon -, qu'à les lire maintenant ici, à Berlin, dans cet hôtel que j'ai choisi précisément sur la ligne de métro qui conduit à Tegel (où Bonhoeffer fut emprisonné), je ne sais plus : quand tout cela a-t-il commencé ? depuis quand ce livre qui, certains jours, paraissait de lui-même sortir des rayonnages, venir à moi, s'offrir en quelque sorte comme on dit que les ermites reçoivent nourriture des oiseaux ?
M.S.
Des vies, mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu'une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle.
L'un et l'autre : l'auteur et son héros secret, le peintre et son modèle. Entre eux, un lien intime et fort. Entre le portrait d'un autre et l'autoportrait, où placer la frontière ?
Les uns et les autres : aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus.