Sans-logis de Paris à Nanterre
Ethnographie d'une domination ordinaire
D'autres vont passer du temps dans le parc de la Villette, derrière le musée. On pourrait penser qu'il s'agit d'un endroit propice au repos pour les sans-abri, mais il n'en est rien. Un jour, un groupe d'écoliers lançait des boulettes de papier et de l'eau tout en riant et se moquant. Tout cela se passait sous le regard amusé de leur institutrice et dans l'indifférence générale des passants. L'humiliation et cette forme d'agression sont des composantes habituelles de la vie des sans-logis. Une partie de leurs efforts consiste à tenter de les éviter... Ce qui ressort cependant le mieux de la description d'une journée passée en leur compagnie Porte de la Villette, c'est la monotonie de leur existence. La monotonie de leur vie est subie et non choisie... L'ennui n'est donc pas qu'un détail dans la vie des usagers du CHAPSA, c'est une plaie contre laquelle il leur faut lutter en permanence car la détresse et parfois la solitude sont ses corollaires inévitables.
Cette étude ethnologique des sans-logis usagers du CASH de Nanterre dévoile une face cachée de notre société de consommation ; elle est aussi le témoignage sans fioriture d'une misère qui ne s'avoue pas. C'est le récit de vies défaites, conclusions de combats ratés contre des situations trop violentes qui ont fini par briser l'être. Sans romantisme aucun, l'auteur a partagé la vie des sans-logis dans le cadre de recherches sur le rapport aux soins et les parcours thérapeutiques des personnes en situation de grande pauvreté. Une des ses conclusions est de nous donner à comprendre combien ces personnes ne sont qu'une autre manière d'être nous-mêmes : une altérité qui est celle que nous recelons.