Nils subit une crise d'identité. Pris à la gorge, au propre comme
au figuré, par les fragments culturels que véhicule le langage
dont il subit mécaniquement les effets, il doit tenter de survivre
en reconstituant son histoire dans la langue. En effet, il est
victime de crises d'aphasie, lors desquelles le langage intérieur
l'assaille de bribes apprises dans des cours d'orthophonie,
entendues ici ou là, et retenues parce que particulièrement
marquantes au plan du rythme et des émotions qui leur sont
liées.
L'écriture d'Alfred Gulden se déploie aux frontières d'un
travail poétique (proche du travail de la poésie concrète) et d'un
travail dramatique (proche du théâtre absurde) pour renouer par
instant avec un mode narratif traditionnel. Par-là, l'auteur se
situe dans une autre tradition de la littérature européenne. On
pense immédiatement à James Joyce, mais concernant la
tradition allemande, il faut considérer que l'auteur s'inscrit dans
une filiation ouverte par les écrits de Kurt Schwitters ou d'Arno
Holz et également représentée dans le paysage littéraire français
par Eugène Ionesco.
Sans toit est le premier roman d'Alfred Gulden traduit en
français.