Au tournant des années 1820-1830, Schelling découvre au sein de
la philosophie deux grandes tendances à l'oeuvre : une tendance
«négative» à rendre intelligible le réel en fonction de la nécessité
des lois de la pensée, une tendance «positive» à y voir au
contraire le fait d'un acte libre. Scrutant cette différence, il finit par montrer
qu'elle implique de scinder la philosophie même en une philosophie qui fait
intervenir uniquement la raison et une philosophie où la raison se laisse
instruire par l'expérience.
Le présent livre propose une interprétation nouvelle de ce moment crucial
mais méconnu de la pensée moderne où Schelling accomplit, tout en le dépassant,
l'idéalisme allemand.
On y montre qu'il suspend l'avenir de la raison à un dédoublement de la
philosophie qui implique de confier la réalisation des deux philosophies à
un rationalisme et à un empirisme totalement inédits. Dans le rationalisme,
la raison opère seule jusqu'à produire l'idée d'un principe absolu libre de
poser le monde ; dans l'empirisme, elle prouve l'existence du principe par
ses oeuvres effectives que sont successivement les faits de la nature et ceux
de la conscience comme conscience religieuse. Ainsi, loin de produire le
désespoir de la raison, Schelling montre au contraire que la raison se donne
à elle-même un avenir en se différenciant.