Il s'agit de contourner l'interdit kantien jeté sur l'intuition intellectuelle et de réhabiliter la connaissance de l'absolu, mais la transformation de l'intuition intellectuelle en extase n'est autre que la confrontation de la raison à l'extériorité et le refus de l'autofondation idéaliste. L'extase est avant tout celle de l'être divin : Dieu n'est libre que s'il court le risque de se perdre en créant un être véritablement différent de lui, capable de le nier. Elle est aussi celle de la conscience humaine, d'abord à travers la mythologie, aliénation, puis guérison de l'homme dans son rapport au divin, enfin à travers la philosophie qui doit reconnaître le caractère extatique de la raison elle-même.
A travers la structure extatique se jouent alors les rapports ambigus et féconds de Schelling avec la philosophie moderne ; s'il apparaît comme un précurseur des philosophes de l'existence, de la liberté humaine dans son indépendance vis-à-vis de l'absolu, c'est en vertu de l'absolu lui-même, qui refuse de laisser le dernier mot à une existence autofondatrice.