Schopenhauer, Machado de Assis,
Italo Svevo
ou L'HOMME SANS DIEU
Dans le dernier paragraphe de La Coscienza di Zeno, d'Italo Svevo, il est suggéré qu'une bombe placée au centre de la planète en finirait avec «les parasites et les maladies». Qui connaît l'uvre de Machado de Assis ne saurait lire cette conclusion apocalyptique sans éprouver un sentiment de familiarité; les Memorias Póstumas de Brás Cubas s'achèvent en effet par une phrase similaire, où Brás Cubas, n'ayant pas eu d'enfant, se félicite de n'avoir «transmis à aucune créature le legs de notre misère». Malgré la distance dans l'espace et dans le temps, et bien que ces auteurs fussent inconnus l'un a l'autre, l'expression chez tous deux d'un pessimisme aussi radical, qui appelle de ses vux la fin de l'humanité, nous amène à nous interroger sur un état de la pensée qui est intenable : dès lors que nous interrogeons le sens de notre vie sur terre, et que les réponses que nous y apportons sont profondément négatives, le suicide paraît s'imposer.
Mais ce suicide n'a pas eu lieu. La douleur de l'existence serait donc étrangement complaisante, harcelant la conscience, nourrissant son malheur quotidien, mais lui offrant en guise de réconfort une forme de compensation : la capacité de l'exprimer. Cette réflexion qui n'a d'autre fin qu'elle-même, ce processus d'interrogation qui ne peut cesser que si l'on y met volontairement un terme, car il ne peut s'épuiser de lui-même, c'est la littérature.