La science fut longtemps considérée comme une source de
sagesse et de bienfaits. En déchiffrant les mystères de la nature,
elle libérait l'esprit humain de l'obscurantisme. En inspirant la
technique, elle permettait de produire en abondance des biens
pour le plus grand nombre. Investir dans la recherche scientifique
promettait un avenir radieux. Cette croyance continue
d'inspirer de nombreuses décisions politiques.
Une série de catastrophes techniques, dont le prototype fut
Tchernobyl, ont cependant ébranlé cette foi naïve. Par réaction,
les mouvements politiques écologistes ont obtenu un
succès fondé sur le refus de la technique et sur la nostalgie
d'une nature restaurée dans son état primitif.
Il paraît dès lors nécessaire de doter la recherche d'une
éthique, pour éviter que ses excès la discréditent davantage.
Mais cette exigence radicalement neuve pose un problème
insoluble : sur quoi faut-il fonder cette éthique ? La science,
qui fut longtemps considérée comme un bien indiscutable,
peut-elle être limitée par des contraintes, voire interdite ?
En fait, il s'agit d'un malentendu très courant dans l'opinion
publique. La science n'est pas en cause, mais la technique qui
en est souvent l'application irrésistible. Il y aurait lieu de compléter
le Décalogue par un onzième commandement : «Tu
laisseras la Terre à tes enfants dans l'état où tu l'as reçue de
tes parents.»