À l'aube de la Renaissance, auteurs médicaux et philosophes font preuve d'un intérêt grandissant pour les « secrets de femmes », un savoir touchant à la sexualité féminine et aux choses de la génération. Dans le même temps, médecins et chirurgiens italiens se mettent à ouvrir des corps humains pour en étudier les fonctions et dysfonctions, l'étape culminante de ces recherches étant la parution en 1543 du traité d'anatomie d'André Vésale, le De corporis humani fabrica, célèbre notamment pour son frontispice et ses illustrations. Katharine Park étudie la conjonction de ces deux phénomènes entre la fin du XIIIe siècle et le milieu du XVIe siècle à travers une série d'études de cas impliquant une abbesse, une vierge lactante, plusieurs patriciennes et une criminelle exécutée, qui eurent en commun d'être disséquées après leur mort.
En mettant la dissection académique en perspective avec des pratiques plus anciennes d'ouverture de cadavres (telles l'éviscération comme procédure d'embaumement des cadavres de saints, la sectio in mortua encouragée par l'Église dans le cadre du baptême des âmes des enfants mort-nés, ou encore l'autopsie légale), cet ouvrage déconstruit le mythe selon lequel l'interdit religieux aurait entravé la pratique des dissections humaines dans l'Italie du Moyen Âge et de la Renaissance, et montre que le corps féminin, réel ou imaginé, a joué un rôle central à cette période dans l'histoire de l'anatomie. Les cadavres ouverts de saintes femmes révélaient des objets pieux ; ceux de mères patriciennes livraient des informations cruciales sur la formation du foetus ; et l'utérus devenait, en tant qu'organe de la génération, l'un des objets privilégiés de la science anatomique. Ce faisant, les « secrets de femmes » en vinrent à symboliser dans l'esprit des auteurs masculins les plus grands défis posés par le corps humain, que la dissection promettait de relever.