Chaque être est en rapport avec tous les êtres ; il en subit l’influence, il influe sur eux à son tour. C’est ce que Platon et Leibniz appelaient l’universelle harmonie, grâce à laquelle tout être devient le miroir de l’univers ; c’est ce que Kant appelait l’universelle réciprocité d’action. La philosophie évolutionniste a confirmé cette doctrine. Le cristal, la plante, l’animal, l’homme sont impressionnés par toutes les particules matérielles, par chacune en particulier et par chacun de leurs groupes, proportionnellement à chacune des forces qui y sont emmagasinées ; je subis l’action de la plus lointaine des étoiles, quoique mes yeux ne puissent l’apercevoir, et elle contribue pour sa part à cet ensemble de mouvements qui viennent retentir en moi. A mon tour, j’exerce une action, si faible qu’elle soit, sur cette étoile, sur tous ces mondes qui m’ignorent et que j’ignore. Je fais ma partie dans l’universel concert et, quoique ma voix soit indiscernable dans le tout, je l’entends cependant moi-même, je sens ma propre existence et je sais qu’elle est un nécessaire fragment de l’existence universelle. Mais, puisqu’en fait je subis l’impression de toutes choses, on peut supposer, avec Leibniz et Laplace, que, si je pouvais déployer tout ce qui est en moi à l’état d’enveloppement et de confusion, et si certains effets ne se neutralisaient pas dans la composition des forces, je finirais par retrouver en moi-même l’action de l’univers et le raccourci de son histoire. En d’autres termes, l’organisme humain a théoriquement la possibilité de refléter en soi, de représenter et de percevoir tous les phénomènes ou mouvements de la nature, tous ceux du moins qui ne se sont pas neutralisés mutuellement ; mais, en réalité, il ne les aperçoit pas tous, c’est-à-dire qu’il ne les saisit pas à part, parce qu’il n’a pas pour chacun une sensation spéciale et différenciée...