Dans S'évader de l'éducation, Madhu Suri Prakash et Gustavo Esteva interrogent la conviction moderne selon laquelle l'éducation est un bien universel et un droit humain et remettent en question la rhétorique altruiste des programmes internationaux de développement à destination des pays « sous-développés ». D'après eux, l'idéologie éducationniste est le cheval de Troie de la globalisation et du néocolonialisme capitalistes qui a forcé les portes des cultures et sociétés traditionnelles. Les programmes d'éducation, « armes de destruction massive » du capitalisme, constituent dès lors une véritable agression envers les cultures autochtones dont l'autonomie, la souveraineté et l'intégrité sont remises en cause. L'idéologie éducationniste apparaît ainsi comme un pilier essentiel d'un nouvel impérialisme.
L'essai de Prakash et Esteva se présente dès lors comme un appel à résister à ce néocolonialisme et à renouveler les cultures locales. Il nous propose un voyage à travers des modes de vie et d'apprentissage alternatifs, tels qu'on peut en rencontrer encore parmi les « sous » ou « non » éduqués qui composent ce que les auteurs qualifient de « majorités sociales » ou « deux-tiers-monde ». La richesse de leurs traditions, du « plurivers » de leurs biens communs et de leurs modes de transmission mutuels est ce qui leur permet de démystifier le conte de fées de l'éducation et de maintenir à distance l'empire d'Homo oeconomicus, résistant ainsi à l'effondrement culturel opéré dans la salle de classe globalisée.