On dit qu'aux premières représentations d'Hamlet, William Shakespeare se réservait le rôle du spectre. Et si ce choix, loin de se limiter à ce rôle, avait été celui d'une vie entière ? Être ou ne pas être exprime une alternative essentielle peut-être à l'identité d'un auteur décidément ailleurs : les maigres documents dont nous disposons sur la vie du Shakespeare officiel suggèrent, en creux, le portrait d'un homme qui ne cesse d'effacer ses traces, ou se dissimule tenacement.
Attribuer au médiocre bourgeois de Stratford-upon-Avon la paternité de ce théâtre revient à façonner un monstre. À la suite de l'hypothèse récente formulée par Lamberto Tassinari, Daniel Bougnoux part à la recherche d'un auteur autre : John Florio (1553-1625), né à Londres mais italien d'origine, et juif, lexicographe, traducteur et humaniste érudit, constitue un prétendant autrement plus crédible. Le véritable Shakespeare ne sort pas diminué de cette enquête, mais doté d'une éducation, d'une surface sociale et d'un visage enfin dignes de son oeuvre.