
Dans son ouvrage majeur sur Shakespeare, Les Feux de l'envie,
paru en 1990, René Girard proposait une lecture neuve de
l'oeuvre du dramaturge élisabéthain. Le présent essai se veut
une suite de cette recherche et se focalise prioritairement sur
les Sonnets. Depuis toujours considérés comme «obscurs»,
ceux-ci prennent une dimension radicalement nouvelle sous
l'éclairage de la théorie mimétique.
Loin d'être des «poèmes d'amour» classiques, les Sonnets se
présentent le plus souvent comme des poèmes sur l'amour, ils
sont une interrogation sur le désir, et singulièrement sur ce que
le désir a de mimétique. À cause de la mimesis, «mon modèle»
est aussi «mon rival», et de là s'ensuit un cycle infernal de
compétitions, de jalousies, de querelles où l'amour et la haine
finissent par se confondre. Ainsi, entre le poète et W.H., le
dédicataire des Sonnets, s'interpose une foule d'obstacles : des
poètes rivaux, la «dame sombre», le temps, la nature... Dans
cet écheveau embrouillé, le poète-amant se perd souvent, sans
jamais pourtant sacrifier à sa passion dévorante la maîtrise de
son art. À travers leur écriture, les 154 sonnets dessinent une
longue et magnifique montée vers la conscience. Chef-d'oeuvre
de poésie, les Sonnets apparaissent aussi comme une source de
connaissance d'une richesse inégalable.
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