Shakespeare, le marrane du théâtre
Essai sur Le Marchand de Venise
Un jour de l'année 1596, Shakespeare écrit Le Marchand de Venise.
C'est un véritable tournant dans son oeuvre. Une rupture qui lui donnera la
force d'écrire plus d'une trentaine de pièces. Déjà surnommé par un de ses
contemporains, Robert Green, un « ébranleur de scène » (« Shakes-scene »),
cet ébranlement va entraîner la production de la matière même du théâtre.
Le grand Will libère la parole (30 000 mots différents) et invente la vie rêvée
des personnages.
Que s'est-il passé ? Rien de moins que le télescopage entre la volonté de
dépasser son double marranisme originaire, juif par le père, catholique par
la mère, et le traumatisme de la mort de son fils Hamnet.
Face au silence qui lui est alors imposé, il décide, en effet, de mettre tous
ses conflits intérieurs sur la table. Mais pas n'importe comment. Shakespeare
est dans Shylock. L'association entre « Sh », « Y » (« I ») et « Lock » indique
qu'il parle, mais « sous serrure ». « Moi, Shakespeare, sous serrure ».
Ses conflits sont réélaborés. Un siècle plus tard, Spinoza fera de même
avec la philosophie. Mais Shakespeare n'est pas un « marrane de la raison »,
c'est un « marrane du théâtre ». Il se préoccupe de montrer ce que sont des
vies qui ont vraiment relégué te monde d'hier, judéo-chrétien, mais aussi
latin et grec, au musée des accessoires, non sans les parodier de mille et
une manières.
Ainsi, Gérard Huber prend-il cet exceptionnel marrane en filature
et démontre que le monde d'aujourd'hui ne peut plus se passer de la
« marranité » de Shakespeare qui, tout en exigeant que la vérité l'emporte
sur le mensonge, démontre que la mauvaise foi et le parjure sont toujours
triomphants.
Un essai passionnant sur le théâtre de Shakespeare qui, grâce à l'analyse
rigoureuse et psychanalytique menée par l'auteur, éclaire d'une façon
novatrice bien des problèmes de notre époque.