Les semaines qui suivent la naissance
sont comme la traversée d'un désert.
Désert peuplé de monstres :
les sensations nouvelles qui
du dedans
montent à l'assaut du corps de l'enfant.
Après la chaleur du sein maternel,
après la folle étreinte qu'est la naissance,
la solitude glacée du berceau.
Et puis surgit un fauve,
la faim,
qui mord le bébé aux entrailles.
Ce qui affole le malheureux enfant
ce n'est pas la cruauté de la blessure.
C'est sa nouveauté.
Et cette mort du monde à l'entour
qui donne à l'ogre
des proportions immenses.
Comment calmer une telle angoisse ?
Nourrir l'enfant ?
Oui.
Mais pas seulement de lait.
Il faut le prendre dans les bras.
Il faut le caresser, le bercer.
Et le masser.
Ce petit, il faut parler à sa peau
il faut parler à son dos
qui a soif et faim
autant que son ventre.
Dans les pays qui ont conservé
le sens profond des choses,
les femmes savent encore tout cela.
Elles ont appris de leur mère,
elles enseigneront à leurs filles
cet art profond, simple
et très ancien
qui aide l'enfant à accepter le monde
et le fait sourire à la vie.
F. Leboyer