« Si le temps le permet. » Cette expression ponctue nombre de conversations à Saint-Pierre-et-Miquelon. Transmise au fil des générations, elle dit à quel point la météo peut être éprouvante sous ces latitudes subarctiques, dictant sa volonté à leurs habitants. Une lecture contemporaine lui donne cependant une résonnance plus dramatique. Elle désigne le compte à rebours qui est lancé à l'Humanité.
L'urbanisation généralisée et la globalisation de l'économie, la consommation de masse, l'exploitation sans limite des ressources naturelles et tant d'autres dérives de notre manière moderne d'habiter la planète ont produit un changement d'une
ampleur géologique qui menace désormais la vie terrestre. Le projet moderne est en passe d'échouer et nous plonge dans l'anthropocène. L'Humanité doit s'adapter pour survivre, et le temps lui est compté.
Géographe, philosophe et photographe, Stéphane Cordobes défend l'hypothèse selon laquelle les territoires et leurs habitants sont au premier rang pour engager cette bifurcation écologique. Il affirme que le réagencement nécessaire est non seulement politique mais aussi culturel et anthropologique. Pour survivre, l'homme doit se rapprocher de la nature et nouer une relation plus juste avec le vivant, les humains et non-humains, plus respectueuse de tout ce qui compose notre monde commun.
Ce travail de recherche mené à Saint-Pierre-et-Miquelon est à la fois une enquête prospective originale et un manifeste. Enquête sur ce que pourrait vouloir dire « faire territoire », demain, dans l'anthropocène en évoquant tant la situation singulière de l'archipel français que celle, archétypale, de tous les territoires confrontés à l'entrée dans ce nouveau monde. Manifeste quant à la place à accorder au sensible et à l'imaginaire dans ce processus. Ce livre propose une expérience esthétique à même d'opérer un déplacement dans nos manières d'être et d'habiter une planète chaque jour plus vulnérable.