En 1983, paraît dans le très sérieux Journal of Economic Literature un
article au ton pour le moins iconoclaste. Signé par un auteur
jusqu'alors reconnu pour ses travaux classiques dans le domaine de
l'histoire économique quantitative, ce papier traite de la rhétorique
des économistes. D. N. McCloskey y assène, entre autres, que l'étude
des textes économiques relève avant tout de la critique littéraire ; que
les modèles mathématiques, tant prisés par les économistes, sont
essentiellement métaphoriques et composent un véritable domaine
poétique original ; que l'économiste de profession est, au minimum,
en retard d'une révolution épistémologique par rapport à ses
contemporains lorsqu'il prétend assurer son autorité scientifique sur
sa capacité réelle à faire des prédictions.
Un fort courant de réflexion sur la rhétorique des sciences
économiques va prendre sa source dans cette bravade contre le
positivisme et le scientisme ambiants. En précisant le point de départ
de McCloskey, en consolidant les intuitions fécondes contenues dans
son attaque en règle contre le «modernisme», en prenant parfois
leurs distances vis-à-vis des aspects trop clinquants de son manifeste
de 1983, quelques auteurs - dont notamment Roy Weintraub, Robert
Heilbroner, Albert Hirschman - vont explorer alors plus avant les
conséquences de la révolution rhétoricienne en économie.
«La Rhétorique des sciences économiques» est proposé ici pour la
première fois en traduction française.