Jean-Paul Sartre est devenu le caillou du XXe siècle : nul, ou presque, ne le rencontre qui ne se donne le plaisir d'un coup de pied peu pensé. Injustice hâtive, retour de galet, qui est en passe de faire de l'auteur de La Nausée, sinon un philosophe sans invention, du moins un écrivain sans saveur - sans autre goût que politique. C'est donc contre cette méconnaissance littéraire que les études ici rassemblées voudraient prendre position. Elles tentent de relire les œuvres sartriennes - avant tout La Nausée, «L'Enfance d'un chef», les biographies existentielles, mais aussi Les Séquestrés d'Altona et Les Mots - en mettant l'accent sur les effets ironiques de leurs structures, sur la connivence qu'elles réclament du lecteur, par un jeu savant mené avec la tradition littéraire, sur la perversion existentialiste qu'elles accomplissent du mysticisme. Car Sartre, s'il a un jour conçu la littérature comme engagement, la définissait encore comme «herméneutique du silence» - cela méritait aussi un coup de plume.