«Arbre à romans», comme il aimait à se définir, Simenon en a
laissé près de deux cents - dont soixante-quinze consacrés aux
enquêtes du commissaire Maigret -, sans compter des centaines
de contes et nouvelles et plusieurs ouvrages autobiographiques.
Cette fécondité presque monstrueuse l'a fait considérer longtemps
comme un phénomène littéraire mais qui ne relevait pas de la
littérature au sens noble du terme. Tandis que, plébiscité par des
millions de lecteurs, critiques et universitaires l'ignoraient et que les
chapelles à la mode le méprisaient, Bernard de Fallois, le premier,
osa mettre en lumière des évidences alors cachées : les «Maigret»
devaient être considérés comme des romans à part entière ;
Simenon n'était pas un feuilletoniste à succès mais un écrivain et
des plus grands, en dépit de la répugnance du goût français à
admettre une oeuvre romanesque qui ne soit ni d'un styliste ni d'un
écrivain «à idées». «Il écrit comme Monsieur-Tout-le-Monde»,
dit un jour de lui un critique de mauvaise humeur. A quoi un autre
critique répondit, non sans humour : «Ce qui est tout de même
curieux, c'est qu'à part Simenon personne ne sait écrire comme
Monsieur-Tout-le-Monde».