L'ouvrage de Johann Michel, au carrefour de la philosophie et des sciences sociales, vise à élaborer une sociologie du soi à partir de l'herméneutique de Paul Ricœur. La première partie de l'ouvrage se présente comme un essai théorique qui s'intéresse aux catégories particulières de techniques d'interprétations de sujets d'emblée engagés dans une histoire de vie. Le reste de l'ouvrage doit se lire comme une mise à l'épreuve empirique de ce projet théorique. Chaque chapitre compose le « roman vrai » d'une trajectoire biographique au cours de laquelle sont analysés les mises en intrigue de soi et les imaginaires sociaux, culturels et politiques. Les récits de vie portent plus précisément sur l'héritage de la guerre d'Algérie et de la migration algérienne en France. La thèse de l'ouvrage consiste à montrer que cet héritage ne cesse d'être transformé et reconfiguré au cours de l'existence, à la faveur de dispositifs actifs de réappropriation par les nouvelles générations. Les technologies de soi relèvent de cette part active de recomposition qui témoigne de la créativité et de l'inventivité de subjectivations ordinaires confrontées à des injonctions familiales et sociales parfois contradictoires, au « problème » de la « double culture », aux discriminations et aux stigmatisations sociales, au poids d'une guerre qui peine parfois à dire son nom.