Lourd d'allure, rustique en ses propos, Socrate dégoûte les précieux et déroute l'inconscience sûre d'elle-même. Cet homme physiquement commun fait sourire, avec ses disgrâces et son ménage infortuné... Mais tous ne rient pas : un soir de 399 av. J.-C., la cité d'Athéna donne congé à la sagesse ; «l'homme le plus sage», devenu dissident, boit la coupe de poison, victime des lois de l'inconscience.
Porte-parole du rationalisme ou mystique inspiré, Socrate est le bouc émissaire d'une période politiquement et moralement troublée -l'envers du siècle de Périclès. Qui est Socrate, parmi les Socrate possibles ?
A la différence de ses devancières, cette biographie s'intéresse au jeune Socrate, avant qu'il ne soit «sage», avant que Platon ne le fasse «naître vieux» ; Socrate n'est pas ici pris pour un mutant miraculeux, mais comme la maturité d'une prise de conscience athénienne qui s'enracine en deçà de lui, depuis Homère, Antigone, etc., dans un présocratisme qui n'est pas seulement philosophique. Cette histoire ne se borne pas à rendre Socrate possible, mais nécessaire.
Jacques Mazel, historien-philosophe de la dissidence grecque, n'a pas reconstruit le système d'un philosophe, fût-il le plus éminent, mais le témoignage d'un homme.