«J'ai l'indifférence méchante, agressive, j'écris parfois
comme un roquet aboie. Ce n'est pas tout à fait exact.
Ne pouvant pas supporter mon indifférence qui me
fait peur, ce côté morne, passif de ma nature, je veux
à tout prix passionner moments et rapports : que le
temps bouge enfin.»
Tour à tour chroniqueur politique, critique littéraire
ou mémorialiste, Bernard Frank nous offre un recueil
foisonnant, vif et enlevé. Il réunit, le temps d'un épisode
ou d'une simple note, d'illustres personnages de tous
les bords, de tous les temps : Stendhal, Hugo et Gautier
croisent Pétain, de Gaulle et Lecanuet ; Sartre et Malraux
côtoient Lautréamont et Montaigne ; Servan-Schreiber
et Druon le disputent à Mérimée et Flaubert (ce qui
nous vaut d'inoubliables pages sur Emma Bovary).
Mais le lecteur est surtout frappé par le ton de Frank.
Comme l'écrit Jean-Paul Kauffmann dans sa préface :
«Frank commence toujours par le petit bout de la
lorgnette, il affecte de n'apercevoir que l'accessoire ou
le futile pour parvenir à l'essentiel, avec cet air de ne
pas y toucher, comme s'il s'agissait d'une improvisation,
qui est le comble de l'art frankien.»