Gentilhomme fier de son lignage asturien, homme de
cour et homme d'action, homme de lettres (à savoir, instruit
dans les humanités, comme le disait alors l'expression
espagnole : hombre de muchas letras), Quevedo fut, en son
temps (ce Siècle d'Or où l'Espagne triomphante touchait à
son déclin), avec toute la grandeur et la misère qu'implique
cette formule d'Unamuno, «nada más ni menos que todo
un hombre».
Il fut aussi - et peut-être surtout - écrivain.
Jorge Luis Borges n'affirme-t-il pas :
«Comme Joyce, comme Goethe, comme Shakespeare,
comme Dante, comme aucun autre écrivain, Francisco de
Quevedo est moins un homme qu'une vaste et complexe
littérature.»
Por el hilo se saccará el ovillo. Soit : on jugera de la pièce
par l'échantillon.
Puissent les quelques sonnets ici présentés ne pas
démentir ce proverbe, et laisser entendre, dans leur traduction,
le diapason poétique de Francisco de Quevedo :
telle est l'ambition à laquelle nous encourage notre modèle
lorsque, dans le microcosme nacré d'une huître perlière
- «orgueil de la mer indienne et moresque» -, il fait jouer
ensemble les reflets du ciel et de l'eau ; ou aussi, à propos
du portrait de Lisi qu'il avait dans une bague, quand il écrit :
«Dans une brève prison je tiens captif
avec toute sa famille d'or ardent,
le cercle de la lumière resplendissante...
Je porte le champ étoilé que paissent
les fauves d'en haut à lumineux pelage...
et en cachette du ciel et de l'Orient
un jour de lumière et de naissance plus clair.»