En publiant L'Art comme expérience en 1934 (traduit en France en 2005), John Dewey proposait une théorie continuiste de l'expérience : non seulement les expériences ordinaires ne sont pas essentiellement différentes des expériences artistiques mais, plus encore, c'est l'ensemble de notre vie quotidienne qui peut faire l'objet d'expériences esthétiques.
Par là, Dewey formulait une esthétique pragmatiste dont les enjeux conceptuels et politiques restent d'une grande actualité.
Roberta Dreon met en évidence la pertinence des positions du philosophe américain en les confrontant avec des réflexions plus récentes (Arthur Danto, Noël Carroll, Richard Shusterman), mais aussi avec les débats anthropologiques sur la nature du langage, de l'expérience et de l'art. Si les théories de Dewey ont été influencées par celles de Bronislaw Mallnowski et de Franz Boas, elles permettent, en retour, de reconsidérer certains travaux majeurs en anthropologie de l'art (Clifford Geertz, Alfred Gell).
Sortir de la tour d'ivoire souligne ainsi la valeur inclusive de la philosophie de John Dewey : celle-ci nous permet de repenser nos conceptions de l'art et les oppositions binaires qui les structurent traditionnellement (beaux-arts vs arts populaires ; artistique vs utile ; art vs vie), mais aussi de comprendre le fonctionnement des oeuvres d'art dans le réseau continu de notre expérience et de nos relations à autrui.