Comment le cinématographe Lumière, simple attraction foraine
à l'origine, en vint-il si tôt à s'apparenter aux arts ? Il fallut que la
modernité reconnaisse en ceux-ci la prépondérance du matériau
pour que le film se révèle puissance d'extériorisation sensorielle
d'aspirations inouïes. Il convient alors de repenser le statut du
décor, de l'acteur, du costume, du cadre, du montage, de la lumière
et du son, comme relevant d'une transformation du matériau émancipé
de la contrainte discursive. De là le déplacement d'accent du
rhétorique au poétique, et le dépassement du dualisme esthétique-éthique
en faveur d'un jeu interne appelé écriture, où sont indissociables
les composantes structurelles : matériau, technique, discours,
éthique, rhétorique et poétique. L'action directe de l'esprit
est donc requise, afin de plier le matériau à un dessein excédant les
possibilités du logos : souffle sur matière, dont les effets surpassent
toute prévisibilité de critère scénaristique. D'où pellicule ensorcelée,
selon l'expression de Robert Bresson, qui a si bien su faire
entrevoir l'enjeu de l'écriture cinématographique. Sont minutieusement
interrogées à tous ces égards des oeuvres représentatives prélevées
dans l'histoire mondiale du cinéma.