hronique nostalgique de l'âme russe, ténébreuse
et lumineuse à la fois, Soukhodol est la saga des
Khrouchtchev, petite noblesse de province derrière
laquelle se dissimule la famille de l'auteur. Le regard
de Bounine se pose avec un calme impitoyable sur
un monde en déclin. Dans une langue précise et
mélodieuse, hommes et nature composent un poème
qui dégage une sobre magie empreinte de spiritualité,
où se croisent Natalia, servante et «mémoire» de cette
famille, Piotr Petrovich, son amour secret, ou Tante
Tonia, qu'un amour déçu a enfermé dans la folie. Car
«à Soukhodol, l'amour était singulier, la haine aussi».
Et leur temps nous semble, à nous comme à Bounine,
«soit infiniment lointain, soit tout proche».
La Cerisaie de Tchekhov, dont Ivan Bounine fut disciple
et admirateur, résonne dans ce récit avec des accents et
des prolongements tragiques.