
Sous tant de paupières qui ne sont plus une magique exaltation de la
pure contradiction de la rose ni la volupté de n'être le sommeil de personne,
mais plutôt le joint visible derrière la caisse des salles obscures du monde
entier qui vendent, fort chères, des images de nulle part et de partout, répétitives,
le spectacle continue. Désireuses, au départ, d'éveiller peut-être
l'esprit du spectateur, elles abrutissent à coup sûr, maintenant, les foules
conditionnées par le marketing de compagnies internationales déterminées
à supprimer la nature et la civilisation pour enrichir leurs bilans. Marée
noire de la conscience universelle, une telle mondialisation détruit à l'ordinateur
sophistiqué ce qu'autrefois les humains constituaient bien ou mal en
valeurs, pour ne récolter que l'argent, système transcendant qui n'aboutit,
évidemment, qu'à l'argent. Tout le reste ne sera, dès lors, que le tableau des
performances idéalisées et sponsorisées, culturelles ou sportives, emblèmes
de la transformation des sociétés post-modemes. Le rêve commun, auparavant,
fabriqué par la technologie et déposé photographiquement sur la
pellicule, offrait aux auteurs, pauvres ou disposant de studios faramineux, le
choix des instants privilégiés de l'époque afin d'exprimer au mieux ce qu'ils
voulaient dire, malgré de considérables facteurs commerciaux redoutables
et, néanmoins, détournables. Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
en sept décennies consacrées à la conservation, illégale souvent, des films
officiellement voués au pilon et à l'appréciation personnelle de leurs qualités
ou de leurs défauts, j'ai vécu le cinéma comme un art véritable qui me portait
vers les livres, la peinture et les autres écritures susceptibles d'améliorer
ma compréhension de la vie. Or, depuis la mort d'Ingmar Bergman et celle
de Michelangelo Antonioni pendant l'été 2007, puis du montage prodigieux
d'Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, la rétrospection émouvante
s'enflamma tandis que l'avenir parut s'éteindre à l'ombre d'Internet. La situation
multiplia, par bonheur, la quantité des pays producteurs cités en désordre
ici avec une insistance sur les thèmes abordés qui discutent la tonalité
permanente de la servilité nourrie par les astuces de la publicité, du faux
bonheur et du mensonge médiatique. A travers de petites ouvertures, néanmoins,
qui s'efforcent de clamer ce que les peuples refusent d'entendre et
qui butent devant la télévision massive et l'énorme flux iconographique aux
méthodes pavloviennes, des cris et des chuchotements parviennent encore
jusqu'au solitaire citoyen de même que chez Lévi-Strauss après les pages de
Tristes Tropiques (titre exact de notre planète funeste) «dans le clin d'oeil
alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque qu'une entente involontaire
permet parfois d'échanger avec un chat».
Nous publions uniquement les avis qui respectent les conditions requises. Consultez nos conditions pour les avis.