Les États-Unis deviendraient-ils un pays
«latino» ? Les indices démographiques
ne laissent aucun doute à ce sujet : les
ressortissants latino-américains et leurs
descendants sont devenus la «minorité» la plus
nombreuse, de Los Angeles à New York, et dans
maintes zones rurales où, jusqu'à récemment, on n'entendait parler que
l'anglais. La frontière entre le colosse du Nord et les pays de sa périphérie
sud s'est brouillée. Si le nom «Amérique» s'applique à tous les pays de
l'hémisphère, on peut dire que les États-Unis s'américanisent enfin...
On mesure encore à peine les implications de cette «latinisation» de la
société étatsunienne. Elles sont considérables. Le pays devra poser
autrement certains problèmes qui le hantent depuis longtemps : son
rapport aux différences ethnoraciales, culturelles et linguistiques ainsi que
sa manière de traiter les inégalités socio-économiques. Serait-ce l'occasion
pour que l'introuvable «modèle d'intégration» étatsunien se clarifie enfin ?
Les luttes s'annoncent rudes entre, d'une part, les partisans du métissage et
d'une nouvelle citoyenneté sociale plus égalitaire et, d'autre part, les
défenseurs du système hautement inégalitaire en place, même si ceux-ci
savent, eux aussi, manier la rhétorique de la diversité «multiculturelle».
Que signifie, aujourd'hui, être citoyen des États-Unis ? À l'heure où
s'implantent des sphères publiques hispanophones, où l'anglais et
l'espagnol se mêlent en spanglish, l'anglais demeure-t-il vraiment la seule
langue de l'intégration ? Comment appartenir à une «diaspora» mexicaine,
dominicaine ou salvadorienne tout en aspirant à l'intégration aux États-Unis
? Et qu'en est-il de Porto Rico, cette formation nationale caribéenne
encastrée colonialement dans le système politique étatsunien, dont les
frontières s'étendent jusqu'au Bronx ? Au-delà des enjeux proprement
américains, ce livre pose la question de la citoyenneté à l'ère transnationale.