Philosophie & Théologie
Spinoza (1632-1677) parle toujours de Maïmonide (1135-1204) avec une extrême sévérité : sa propre certitude que la Bible ne contient aucune vérité d'ordre philosophique, mais seulement un contenu moral à destination des ignorants, se révèle incompatible avec l'oeuvre d'un prédécesseur soucieux, au contraire, de montrer que, pour celui qui sait lire, la Bible a bel et bien un contenu philosophique. Pourtant, les questions de Maïmonide - à défaut de ses réponses - scandent l'oeuvre théologico-politique de Spinoza. Ce livre cherche donc à dessiner la ligne théorique complexe qui, à la fois, unit et sépare Spinoza et Maïmonide. Il explique pourquoi le premier dut tenir à l'écart le second, en durcissant et en simplifiant à l'extrême ses positions afin de mieux se démarquer de lui. Si Maïmonide fut, en effet, une source indéniable de réflexion pour Spinoza, ce dernier refusa toujours, sans la moindre concession, sa tentative de « sauver » la Bible aux yeux des philosophes.
Les questions examinées ici sont partagées, de façon conflictuelle, par les deux philosophes : la lecture de la Bible, les idées de Dieu et de sa Providence, la prophétie et la différence entre loi divine et loi humaine, les régimes politiques qui permettent de vivre en paix et enfin le désir de salut. Malgré sa détermination à exclure Maïmonide de son propre chemin d'analyse des liens entre théologie et philosophie, pour cause d'inutilité et de danger, l'oeuvre de Spinoza trouve un éclairage important dans sa confrontation à celle de Maïmonide anxieux, pour son compte, de répondre aux perplexes de son temps, déchirés entre une sagesse issue de la Bible et une sagesse issue de la philosophie grecque. L'histoire de cette tension entre les deux sagesses caractérise la culture occidentale, ce livre en explore un moment décisif.