Spirale d'artillerie nous plonge dans le récit halluciné d'un vieux
médecin qui essaie de comprendre comment il est devenu à la fois
complice et victime d'un régime totalitaire à l'agonie. Nous ne
connaîtrons jamais le nom de cet homme sans visage, sans qualités,
mais nous allons suivre sa descente aux enfers de l'ectricine (la
mystérieuse drogue dont il est devenu entièrement dépendant). Il
nous invite à l'accompagner sur un chemin dangereux où le temps,
l'espace et les identités se perdent dans les méandres d'une histoire
arborescente et qui n'est pas sans rappeler Johnny s'en va-t-en
guerre ou L'échelle de Jacob.
Si les noms, les lieux et les personnages sont ici fictifs, ils évoquent
pourtant des événements et des faits bien réels : les dictatures
communistes, la chute de l'Union soviétique, la manipulation des
peuples et de l'Histoire, les expériences «médicales» menées sur
des cobayes humains, les lavages de cerveau, et même la disparition
du sous-marin nucléaire Koursk... Ignacio Padilla revisite ainsi notre
passé récent et signe une brillante parabole sur l'ambiguïté de notre
condition. Car tout comme dans son roman précédent, Amphitryon,
il nous montre avec ce récit noir, expressionniste, que l'écriture est
toujours l'instrument le plus efficace pour dépeindre en profondeur
un monde en décomposition et pour explorer la frontière ténue qui
sépare parfois, dans l'esprit d'un homme, l'innocence de la culpabilité,
la vérité du mensonge, la raison de la folie.